La tradition est respectée. Comme Emmanuel Macron l'avait fait à Berlin en mai 2017, c'est à Paris qu'Angela Merkel fait son premier voyage officiel après sa réélection comme chancelière. Les deux responsables se retrouvent en fin d'après-midi à l'Elysée pour un tête-à-tête, une conférence de presse et un dîner.
Cela fait des semaines qu'Emmanuel Macron attend ce moment qui doit marquer la relance du moteur franco-allemand. Depuis son grand discours européen de la Sorbonne en septembre, le chef de l'Etat était contraint par le calendrier de sa partenaire. Il y a d'abord eu la campagne des législatives dans laquelle la France n'a pas voulu s'immiscer. Puis de longs mois d'incertitude face à l'incapacité d'Angela Merkel à former un gouvernement. C'est chose faite depuis une dizaine de jours.
Pendant ce temps, le président de la République avait profité de la discrétion de la dirigeante allemande, des tracas de la Grande-Bretagne englué dans les discussions sur le Brexit, de la crise calatane en Espagne et de la campagne législative en Italie pour avancer ses pions. Il avait notamment arraché un accord sur la directive travail détaché.
"Plus de temps à perdre"
"Macron est devenu influent par défaut ; il remplit le vide, mais cette position ne sera pas facile à maintenir s'il ne se trouve pas des alliés solides. Sa capacité à convaincre reste à démontrer, même s'il sait imposer son agenda", résumait en janvier dans Le Monde Sébastien Maillard, directeur de l'Institut Jacques Delors.
Deux mois plus tard, l'heure est à un nouveau départ. "Nous n'avons plus de temps à perdre", a convenu mercredi à Paris, le ministre allemand des Affaires étrangères. Un conseil européen est prévu la semaine prochaine pour avancer sur les questions budgétaires qui font partie des points sensibles.
Mais dans ce contexte, la France peut s'appuyer sur l'accord de coalition allemand qui fait figurer l'Europe en bonne place. Un bon point pour la volonté réformatrice d'Emmanuel Macron. Il faut se rappeler la rapidité avec laquelle l'Elysée a salué le vote du SPD qui scellait la coalition pour voir la satisfaction côté français. "C'est une bonne nouvelle pour l'Europe. La France et l'Allemagne travailleront ensemble, dès les prochaines semaines, pour développer de nouvelles initiatives et faire avancer le projet européen", pouvait-on lire dans le communiqué présidentiel.
L'inconnue russe
Le mois qui s'ouvre sera crucial pour le chef de l'Etat. En parallèle de la grande marche que son parti lance en vue des européennes de 2019, les consultations citoyennes qu'il a appelé de ses vœux l'an passé seront initiées dans tous les pays dans les prochaines semaines avec une restitution prévue à la fin de l'année. Emmanuel Macron lancera officiellement le débat avec un discours prévu dans la deuxième quinzaine d'avril devant le Parlement européen.
En attendant d'aborder les questions qui fâchent comme le budget de la zone euro, la politologue allemande Sabine von Oppeln estime que les deux dirigeants devront trouver "plusieurs points de ralliement entre les deux pays". C'est le cas de la crise migratoire, la taxation des géants du net et la défense de l'Etat de droit face aux dérives de certains états comme la Hongrie et la Pologne. En cas de réelles avancées sur ces sujets, le chef de l'Etat peut espérer renforcer son image de réformateur et arriver en position de force aux européennes qui seront le premier scrutin intermédiaire de son quinquennat.
Mais cet agenda de relance de l'Union européenne pourrait bien être bousculée par l'irruption de la crise avec la Russie. Jeudi, Emmanuel Macron et Angela Merkel ont cosigné avec Donald Trump et Teresa May un communiqué pour inviter à Moscou à assumer ses responsabilités après l'assassinat d'un ex-agent des services secrets à Londres. Cette prise de position des quatre leaders pourrait marginaliser le rôle de l'UE toujours à la peine sur les questions de défense au profit de l'Otan.
https://www.huffingtonpost.fr/2018/03/16/apres-avoir-profite-de-son-absence-macron-veut-surfer-sur-le-retour-de-merkel_a_23387471/